Coin Lecteur – Sur « La Sirène des Bas-Fonds » de Noun FARE

La littérature togolaise est un sacrée boite chocolat!!!

Enfin, pas trop grande, mais plutôt diverse, il commence à y en avoir de toutes les couleurs et de toutes les saveurs. « La sirène des bas-fonds » est l’un de ces morceaux de chocolat (de Marthe FARE, c’est une Nouvelle, aux éditions AWOUDY).

Cette œuvre, fort courte au demeurant (Normal, c’est une Nouvelle – Pour les paresseux, c’est l’occasion rêvée de se la jouer « intello cultivé qui est au courant des nouveautés littéraires de Lomé» sans trop se fatiguer 🙂 … en plus ce n’est pas si trop cher !). Enfin bref, cette œuvre très courte – je l’ai déjà dit ça, mais bon, vous comprendrez tout à l’heure pourquoi je reviens là-dessus – bref cette œuvre – m’a laissé un étrange impression.

En gros, c’est l’histoire d’une fille plutôt bonne qui tombe amoureuse du mauvais gars, qui finit par briser son avenir ; elle devient sa petite pute perso (dans tous les sens du terme) et est finalement sauvée par un personnage mystérieux à la fin (pourquoi, pour qui, pour quoi faire, on sait pas… et de toute évidence, l’auteure s’en fout un peu, qu’on ne sache pas !) – C’est à se demander si l’auteure pas peu joué avec le mythe du « Prince Charmant ».

Je dirai une première chose, le style d’écriture, à la première personne (Peu de segmentation – Peu ou pas de discontinuité dans la narration) est ce que j’appellerais « narration en torrent » ou « narration marathon »… Bref, quand on commence, on a du mal à s’arrêter tant que ce n’est pas fini ! Ce qui est très intéressant en soi (encore heureux que l’œuvre ne soit pas trop longue, ça aurait chaud de lire un « Germinal » de la sorte ! ) L’œuvre en elle-même, on peut lui trouver un certain nombre de défauts :

– Histoire peu construite, voire un peu décousue

– Personnages peu creusés

– Une fin en queue de poisson, à laquelle on ne COMPREND STRICTEMENT RIEN (B0rd/?el de M&@rde !!! )

– Sentiment diffus de « brouillon » et de « premier jet » qui plane sur l’œuvre au complet, dans sa progression.

(On en trouvera probablement plus, si on est suffisamment motivé)

Bémol : Le plus étonnant dans l’histoire, et le plus gênant sans doute, c’est que tous ces défauts formels, peuvent être parfaitement cohérents avec la forme (nouvelle – très courte). C’est comme si on se mettait à critiquer un film d’horreur justement parce qu’il foutait plus les chocottes que n’offrait une réflexion profonde sur la schizophrénie latente des personnages à travers le jeu scénaristique et la complexité en toile de fond mise en avant par la polyphonie discursive (Je n’ai rien compris à cette phrase… Mais vous voyez où je veux en venir)

Bref, c’est que cette œuvre est fort cohérente avec elle-même, et toute critique formelle se heurterait très vite à un paradoxe, celui de la cohérence du style « bâclé » avec la caractère très court du texte (du genre du serpent se contorsionne au point de se mordre la queue – non, ce n’est pas une allusion sexuelle !) , ce qui permet de très vite partir dans des réflexions d’esthète sur les intentions réelles de l’auteure, à se demander Ad Infinitum si en critiquant ainsi, on ne tombe pas finalement dans le piège de l’auteure (Vilaine, va !). Un bon exemple de ce paradoxe est sans doute le clip « Formidable », de Stromae, où on voit bien la cohérence entre le message (Plaqué par sa meuf – bourré – l’esprit embrouillé) et le caractère décousu de la chanson !

Je suis un lecteur, donc, quoiqu’il en soit, c’est une œuvre à lire – pour débattre entre amis – à critiquer et à conspuer, à jeter à la poubelle – si le cœur vous en dit – et à défendre – si le cœur vous en dit aussi – … Bref, il y a de quoi se crêper le chignon, pour ceux que ça branche.

Je ne vais pas trop enculer les mouches en partant dans je-ne-sais-quel débat d’esthète (encore que je ne me considère pas comme un puriste !), je dirais (et j’en terminerai là, mesdames et messieurs) que l’auteure, toujours fidèle à elle-même, récidive, mais en mieux (telle une tueuse en série qui peaufine son Mode Opératoire), dans « Rivales » (son second roman). Ce qui est intéressant, c’est que ce dernier n’a pas la « couverture » de la « courtesse » et ne nous fait pas subir le « complexe de la petitesse » (ceci n’est pas une allusion sexuelle !). On retrouve le même coup de patte, le même crime rituel… je vais donc pouvoir plus me lâcher là-dessus, dans un prochain « machin» sur la toile.

Comme je le disais dans mon brillant préambule, la littérature togolaise commence à être une sacrée boite de chocolat, et le « Brouillon fidèle à lui-même et cohérent avec lui-même » de Marthe FARE, un morceau aussi.

Ben lisez-le, lisez-le et on en reparle !

Renaud Ayi Dossavi-Alipoeh

Ego Lilium Spinas